Exposition // Histoire

Hommage à un tortillard centenaire

Par Hatem Bourial

L’exposition consacrée au train de la banlieue nord a ouvert ses portes à TGM Gallery et se poursuit jusqu’au 26 mai. Les jeunes artistes se sont mobilisés avec à la clé, la remise d’un prix à la fin de l’exposition.

Il fallait que cette initiative finisse par voir le jour et c’est à l’équipe de TGM Gallery que revient le mérite de la mettre en mouvement. Alors qu’il relie Tunis à ses banlieues depuis plus d’un siècle, le train TGM n’a pratiquement jamais mobilisé les artistes.

Hormis les photographes, rares sont les œuvres qui se saisissent de ce train qui pourtant compte parmi les incontournables. C’est désormais chose faite avec plusieurs œuvres qui viennent de naître et sont exposées dans leur diversité à la galerie qui jouxte le terminus du train à la Marsa.

Genèse et dynamique d’une exposition

Le prix « Jeunes Artistes 2022 » lancé par TGM Gallery est de nouveau à l’ordre du jour. Initié en avril, ce prix a d’abord pris la forme d’un appel à projets destinés aux artistes en herbe, émergents et même confirmés. Naturellement, ce sont les jeunes qui ont répondu nombreux à cette invitation créative. Les œuvres devaient s’inspirer du train TGM, cette ligne de banlieue nord qui relie la capitale à la Marsa en passant par la Goulette. Très rapidement, l’exposition a été organisée par les animateurs de TGM Gallery et se tient du 17 au 26 mai dans cette nouvelle galerie de la Marsa.

Les participants au concours ont produit des œuvres selon plusieurs techniques et supports. Dessins, peintures, photos et vidéos cohabitent dans l’espace modulaire et lumineux de la galerie qui se trouve juste derrière la station marsoise du train de banlieue.

Un jury a été constitué avec la participation de plusieurs galeristes et à la fin de l’exposition, une cérémonie de remise de prix sera organisée et permettra de récompenser les œuvres les plus remarquables.

Tranches de vie, intrigues et mésaventures

Présentant cette initiative, Alya Hamza écrit :

« Le TGM a une longue et belle histoire, intimement liée à celles des cités qu’il traverse. Ce petit train de banlieue qui serpente tout au long des plages, et les relie paresseusement à la capitale, recueille, depuis de longues années, tranches de vie, intrigues, mésaventures. On s’y rencontre, s’y sépare, s’y querelle, s’y réjouit, y annonce bonnes ou mauvaises nouvelles, y prépare devoirs ou mauvais coups. Tous ceux qui l’ont emprunté pour aller à l’école, au travail, à la plage en gardent un souvenir ému. Tous ont une histoire à raconter sur ces voyages, ces passages, ces temps volés au temps ».

Et en effet, aussi bien le concept du concours que l’exposition multiplient les clins d’oeil au train de banlieue, ses stations et l’image que colporte ce tortillard centenaire.

Mais à vrai dire, quelle est l’histoire de ce train ? Comment la raconter et placer dans la durée, la présence du TGM ? Nous essaierons de le faire en résumant les étapes principales de la longue existence de ce train de banlieue inséparable de la mémoire des transports. Bien sûr, on peut aussi bien privilégier l’anecdotique que le récit historique. Car ce train, ce sont aussi des milliers d’histoires, une géographie urbaine et également un imaginaire.

Une petite histoire du TGM

C’est à partir du 20 août 1908 que la Compagnie des tramways de Tunis a assuré la gestion du TGM. En effet, c’est par la vertu d’une convention signée à cette date que le petit train de la banlieue nord de Tunis a pris son essor.

Toutefois, l’histoire du TGM est plus ancienne et remonte à 1871, date d’une concession d’une ligne de chemin de fer à la compagnie britannique « Tunis RailwayCompany ». A l’origine, la TRC devait assurer la construction et l’exploitation de cette ligne reliant Tunis à la Goulette et la Marsa. La ligne fut effectivement construite entre 1872 et 1875 mais son exploitation fut déficitaire et l’entreprise périclita.

C’est à ce moment qu’une société italienne entre en jeu. La Compagnie Rubattino rachètera en effet le réseau en 1880 avec une garantie de l’Etat italien. La Rubattino exploitera la ligne de banlieue pendant 18 ans puis s’effacera au profit de la Compagnie Bône-Guelma en 1898. C’est cette dernière qui passera la convention d’août 1908 au profit de la Compagnie des Tramways de Tunis.

A cette époque lointaine, le réseau du TGM était circulaire avec deux lignes qui partaient du centre-ville. Ce réseau comprenait alors 38 kilomètres et son exploitation par la nouvelle compagnie commença en juillet 1908.

Les deux lignes historiques du TGM

La première ligne partait de la gare Tunis-Casino, à peu près au niveau du Café de Paris actuel, pour rejoindre le port et à travers le lac, la Goulette et la Marsa. Le train empruntait une bande de terre établie grâce à l’utilisation des matériaux du creusement du chenal du port de Tunis.

La deuxième ligne quittait Tunis par la gare Tunis-Nord qui se trouvait au Passage, à l’emplacement de la station du métro actuel et allait vers la Marsa en passant par l’Aouina c’est à dire en suivant le tracé de la route actuelle. Cette gare était qualifiée de gare italienne car la compagnie Rubattino l’avait créée et exploitée. Par ailleurs, les voitures locomotrices de 1908, les mêmes que celles du métro de Paris, étaient alimentées grâce à la centrale électrique de la Goulette.

Telles ont les origines lointaines de notre TGM qui continue chaque jour à rallier les banlieues nord de Tunis. Plusieurs reflets artistiques de ce train sont visibles à travers les œuvres exposées à TGM Gallery jusqu’au 26 mai.

HATEM BOURIAL