Exposition // Hommage
Le temps retrouvé !
Par Amine Bouker
L’exposition « Un siècle et l’éternité » rendant hommage à Jellal Ben Abdallah se clôt et j’aimerais remercier TGM Gallery (N. Ferchiou) d’avoir hébergé ce projet pendant 5 semaines ainsi que Alya Hamza, par ses écrits, d’avoir soutenu cette entreprise.
Rim Ben Boubaker, jeune curatrice de l’exposition, a réussi un accrochage aéré et audacieux (1) que Latifa Ben Abdallah – autrefois, elle en avait la charge – n’aurait pas renié.
L’indispensable Sihem, véritable armée des ombres, a assuré la relation avec un très nombreux public, amis et inconnus, venus communier avec l’esprit de l’artiste. Le livre (2) édité en cette occasion (textes de Lyès Annabi, mise en espace par MounaMestiri) permet de garder un aimable souvenir de cette ultime rencontre. Je rends également grâce aux collectionneurs qui ont prêté leurs œuvres, dont beaucoup sont inconnues du grand public (3) ainsi qu’aux 40 artistes, peintres, dessinateurs, plasticiens, sculpteurs, céramistes, mosaïstes, photographes et architectes qui souvent ont interrompu projets personnels pour réaliser une œuvre en hommage à leur aîné. Dans cet espace contemporain idéalement situé à la Marsa et largement ouvert sur la Rue par de grandes baies vitrées (4), j’espère pouvoir mettre en place plusieurs projets à propos d’un artiste secret qui n’a pas encore tout dit. « Créer, c’est vivre deux fois », disait Camus !
J’en viens à deux anecdotes amusantes. Lorsque je rencontre l’artiste SafaAttyaoui en son atelier pour lui proposer de participer à ce projet, Je découvre adossé au mur, un tableau où figurent un chat et une tortue (5), animaux fétiches de Latifa Ben Abdallah. Non loin de l’animal lent et de sa maison se tient un teckel (6). Autrefois, Latifa avait une telle bête canine – et les coussinets de ses pattes faisaient merveille de bruit sur le marbre des escaliers ! – que Jellal a immortalisée, tant par la pellicule (7) que par le pinceau (. Au centre du tableau, figure un personnage donnant son titre à l’œuvre : « Le Joueur d’échecs » (9) qui renvoie à Ben Abdallah, de longue date féru du noble jeu (10) ! Tout se passe donc comme si le tableau de Safa figurait un hommage prémonitoire en dormition où « … mille pensées dormaient, chrysalides funèbres…» en attendant le centenaire de l’artiste !
La même télépathie s’opère avec Antoine Stinco, architecte célèbre pour avoir rénové la galerie du Jeu de Paume en 1987 et que Latifa avait connu sur les bancs de l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis. Lorsque je viens le rencontrer dans son antre du 18ème arrondissement de Paris (11) en lui demandant quelque dessin en souvenir de Jellal, il crie au miracle : « Je viens de l’achever ! » et me montre une série d’escaliers mystérieux (12) qui proviennent de nulle part et mènent à nulle part ! L’allusion est évidente pour qui connait la demeure des Ben Abdallah qui regorge d’escaliers, au-dedans comme au dehors 13, 14,15) tout comme dans ses miniatures (16) et je pourrais presque reprendre Dutronc (Les Cactus) « dans leurs escaliers, il y a des escaliers » !
Là encore, cette aimable coïncidence « me remplit comme un verre nombreux et me réjouit comme un philtre » et semble indiquer que ce projet d’hommages se construit tout seul, « à l’insu de mon plein gré »
J’aurais bien posté ce billet non point ce jour mais vendredi prochain. Lors, Latifa Ben Abdallah aurait fêté ses 88 printemps ! Bon anniversaire, Belle de nuit (17, 18, 19, 20), là où le temps n’est plus compté !
AMINE BOUKER