Exposition // Revue de presse
Rebelles et peintres de la rupture
Par Hatem Bourial – Journal Le Temps
Après l’École de Tunis, la nouvelle galerie marsoise accueille une nouvelle exposition consacrée aux peintres de la rupture dans les années soixante-dix. Vernissage, le vendredi 4 mars à 17h.
L’une des vocations de TGM Gallery semble d’être un espace qui pose son regard sur l’aventure de l’art contemporain en Tunisie. Ainsi, après avoir rassemblé pour son inauguration, des œuvres des différents tenants de l’École de Tunis, cette galerie se tourne maintenant vers quelques uns des artistes qui ont acté une rupture esthétique avec l’héritage encore en mouvement.
Face à Yahia, Gorgi et Bellagha, une vague alternative
Car, dès le milieu des années soixante, face à la présence des Yahia, Gorgi et autres Bellagha, un mouvement alternatif se dessinait, estimant qu’une autre esthétique était possible et considérant qu’il fallait briser le carcan des peintres dominants, ressentis comme des tenants de la culture officielle.
Plusieurs groupes, souvent éphémères, s’étaient alors constitués pour battre en brèche la convention. Parfois, des galeries d’art avaient porté leur effort à l’image d’Irtissem ou d’Attaswir qui avaient donné de nouvelles couleurs au centre-ville. Conquérante, la nouvelle vague installait ses dispositifs un peu partout et symboliquement, rayonnait sur la galerie Yahia, le Centre d’art vivant ou le non moins fameux Salon des arts.
Plaidant pour une rupture avec la peinture figurative ou naïve, porteurs d’une nouvelle abstraction, les contestataires se déploieront selon de nombreuses variations et s’imposeront rapidement. C’est cette tension et ce renouvellement que l’exposition « Les Rebelles, peintres de la rupture » tente de saisir grâce à des œuvres rassemblées auprès de plusieurs collectionneurs.
Une génération « féconde, créatrice. profuse et fascinante”
Organisée sous la houlette de la critique Alya Hamza, cette exposition est un flash-back vers un passé proche et un gros plan sur ce qu’il convient de qualifier de « deuxième grand mouvement pictural tunisien ».
Dans cet esprit, Alya Hamza écrit:
« Ces peintres ont abandonné la dimension narrative de leur art pour en redécouvrir la forme et la couleur. Féconde, créatrice, profuse et fascinante, cette génération a cassé les codes, révolutionné l’art tunisien et n’a pourtant pas tué les pères fondateurs ».
Ce constat est d’une vérité remarquable et souligne indirectement combien le lettrisme calligraphique de Nja Mahdaoui ou les constructions géométriques de Nejib Belkhodja relevaient de la novation.
L’hommage à Nja Mahdaoui et Gouider Triki
Ces deux artistes sont au coeur de l’exposition accueille par TGM Gallery. Avec eux, Mahmoud Sehili et Habib Bouabana occupent une place privilégiée parmi les acteurs de la rupture. Hormis Bouabana, les trois autres sont nés dans les années trente et seront relayés par une deuxième vague de novateurs légèrement plus jeunes car nés la décennie suivante, à l’instar de Gouider Triki, Rafik El Kamel, Abderazak Sahli ou Faouzi Chtioui.
Ces huit artistes forment l’ossature de la collection exposée à TGM Gallery à partir du 4 mars.
L’initiative est louable car elle permet de feuilleter quelques pages de notre histoire de l’art et honorer les vivants et ceux qui ont disparu. En effet, cette exposition des artistes de la rupture – on pourrait même parler de la première des ruptures – sera aussi une occasion de rendre hommage aux doyens Nja Mahdaoui et Gouider Triki tout en ayant une pensée pour tous les artistes ayant contribué à ce mouvement qui a eu toute sa vigueur dans les années soixante-dix.
HATEM BOURIAL
Crédit photo Firas Ben Khelifa©